Quel est votre diagnostic ? C'est la sésie apiforme du peuplier
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DÉTECTION
Tous les indices et les symptômes relevés au collet de ces peupliers euraméricains permettent d'envisager la présence d'un insecte au comportement xylophage qui semble affectionner particulièrement la partie hypogée des arbres. Les orifices ronds repérés au collet dont certains conservent des exuvies nymphales (*) sont des trous de sortie d'insectes adultes. Les galeries sous-corticales dont certaines sont occupées par une larve blanche à tête brune sont creusées par la forme larvaire de la sésie apiforme, encore appelée sésie frelon ou grande sésie du peuplier (Sesia apiformis). Dans la littérature, elle est dénommée Aegeria apiformis, Sphynx apiformis ou encore Trochilium apiforme. C'est un lépidoptère appartenant à la famille des Sésiidés.
DESCRIPTION DE L'INSECTE
D'origine paléarctique, l'espèce est répandue sur tout le continent européen, en France essentiellement dans les grandes régions populicoles (Bassin parisien, vallées de la Garonne, du Rhône, de la Loire, de la Saône...). Elle a été introduite à la fin du XIXe siècle en Amérique du Nord. Le papillon mesure 35 à 45 mm d'envergure ; son corps comporte des alternances de bandes noires et jaunes qui le font curieusement ressembler à un hyménoptère piqueur. Ce mimétisme particulièrement réussi signale à d'éventuels prédateurs, notamment aux oiseaux insectivores, la présence d'un danger. Les chenilles, de 30 à 40 mm de long et de couleur blanc crème à jaunâtre, possèdent une tête étroite brun-rougeâtre et trois paires de pattes articulées. La chrysalide, de 20 à 30 mm de long d'abord brun-rougeâtre, devient presque noire à l'approche de l'émergence du papillon.
ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE
Le cycle de développement de l'insecte s'étale généralement sur deux années (un an en région méditerranéenne et trois ans en Europe centrale). La période d'émergence des papillons adultes varie selon les zones géographiques, mais elle se situe le plus souvent au cours des mois de juin et de juillet, et les vols s'effectuent le jour. À peine sorties, les femelles émettent des phéromones sexuelles qui sont rapidement perçues par les mâles aux alentours. Une fois fécondées, elles ont la réputation de pondre leurs oeufs « en vol » et les déposent rarement au collet des arbres. Les importantes pertes qui en découlent sont compensées par leur grande fécondité (plus de 1 000 oeufs pour chacune d'elle).
Les femelles recherchent préférentiellement les arbres isolés, les sujets de lisière ou les peupliers d'alignement. Elles semblent préférer les arbres dont la base du tronc est enherbée et blessée. Les grosses racines endommagées par les outils de tonte sont apparemment particulièrement attractives pour elles. En revanche, les sols caillouteux, secs et nus ne leur conviennent pas, car l'hygrométrie est insuffisante pour permettre l'éclosion des oeufs.
Les jeunes chenilles fraîchement écloses gagnent le collet. Elles creusent une galerie sous-corticale entre l'écorce et le bois. Elles gagnent les mâts racinaires dans lesquels elles forent de longues galeries (20 à 50 cm de long) qui peuvent indifféremment affecter le bois profond ou la zone sous-corticale. Elles vivent dans le bois deux à trois années.
En fin de cycle, les chenilles remontent au collet des arbres, où elles perforent l'écorce pour préparer leur sortie. Elles confectionnent des cocons rigides avec de la sciure compactée dans lesquels elles hivernent. La chrysalidation a lieu au printemps et les papillons adultes quittent le collet des arbres par des orifices parfaitement ronds nettement visibles sur les écorces. Bien souvent, l'exuvie nymphale reste bloquée au niveau du trou de sortie et peut s'observer pendant plusieurs mois.
CONFUSIONS POSSIBLES
Un autre insecte xylophage se développe sur les peupliers : la grande saperde (Saperda carcharias). Ce coléoptère cérambycidé fore un important réseau de galeries dans le bois profond, mais essentiellement dans le tronc et les grosses charpentières. Il délaisse le collet et les mâts racinaires. La chenille du cossus gâte-bois (Cossus cossus) peut également investir la base des troncs de peupliers moribonds. Les galeries creusées par l'insecte et la sciure humide dégagent une forte odeur de « vinasse ».
ESSENCES ATTAQUÉES
La sésie apiforme s'attaque aux différentes espèces de peupliers (Populus sp.), mais c'est le peuplier noir (Populus nigra) qui est le plus visité. Les saules (Salix sp.) sont parfois inquiétés. La présence de l'insecte a également été signalée sur le frêne, le tilleul et le bouleau.
DÉGÂTS POUR LES ARBRES
Quel que soit leur âge ou leur état physiologique, tous les peupliers peuvent intéresser la sésie frelon. L'important réseau de galeries creusées par les chenilles au collet et dans les mâts racinaires désorganise les tissus conducteurs et les méristèmes secondaires. Lorsqu'elles sont nombreuses et se rejoignent, ces galeries perturbent et entravent la circulation de la sève. Le dépérissement et la mort soudaine de jeunes arbres ou de sujets adultes sont possibles. Lorsque les attaques restent modérées, les cals cicatriciels peuvent recouvrir les galeries creusées par l'insecte. Le bois conserve alors des petites traces noires incluses, des marques caractéristiques de cette « cicatrisation ». Ces traces noires déprécient la bille de pied, mais ne perturbent pas réellement le fonctionnement de l'arbre. Ainsi, malgré la présence au niveau du collet de plusieurs trous de sortie inquiétants, la cicatrisation interne est souvent performante et aucun désordre majeur n'a lieu.
Dans ce cas, l'écorce reste bien adhérente au bois et aucune sonorité suspecte n'est décelée lors de la frappe du collet à l'aide d'un maillet. Quelques galeries sous-corticales rapidement recouvertes par les cals de cicatrisation ne constituent donc pas des points de fragilité significatifs. En revanche, lorsqu'elles sont nombreuses, elles forment « des portes d'entrée » pour de nombreux organismes dont les champignons lignivores. Les plus fréquemment rencontrés sont les espèces de ganodermes (Ganoderma sp.) ainsi que l'haplopore du frêne (Perenniporia fraxinea).
À partir de ces lésions largement ouvertes à l'extérieur, ils peuvent aisément prendre place dans le bois profond et entraîner son pourrissement progressif. Dans ce cas, de larges zones d'écorce non adhérentes au bois se détectent facilement à l'endroit des trous de sortie de l'insecte. Lorsque le volume dégradé est important, l'arbre est fragilisé et peut se rompre à sa base.
Par Pierre Aversenq, expert arboricole
(*) Enveloppe vide de la nymphe laissée en place lors de l'émergence de l'insecte adulte.
Traces noires indiquant la « cicatrisation » au niveau des galeries, qui forment, lorsqu'elles sont nombreuses, des « portes d'entrée ».
Les champignons lignivores profitent des galeries pour pénétrer dans le bois, entraînant son pourrissement progressif.
Un arbre fragilisé par l'attaque des champignons lignivores peut se rompre à sa base.
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